L’achat d’un restaurant place souvent le professionnel face aux premières décisions financières et juridiques qui l’attendent dans son futur exercice indépendant. L’enthousiasme de cet achat et les espoirs qu’ils portent est nécessaire mais ne doit pas occulter la complexité de cet exercice et les enjeux qu’il représente.

Conseils pratiques par Rémi Gourrin, associé Fimeco Walter France
En préalable, il est important de rappeler que pour tenir un restaurant, il faut être un professionnel avisé, formé et compétent. On ne s’improvise pas restaurateur. Une erreur fatale consisterait à penser qu’on peut s’en sortir en recrutant des salariés qui connaissent ce métier. Dans la grande majorité des restaurants traditionnels, l’œil avisé d’un chef d’entreprise formé et avisé est primordial.
-
Avant d’idéaliser une implantation : vérifiez les projets urbains ou ruraux dans la zone de chalandise
Un restaurant peut très bien avoir été rentable plusieurs années durant et ne plus l’être instantanément à la suite d’un changement dans son environnement. L’acheteur potentiel devra donc s’assurer que l’emplacement permet de drainer un flux de clientèle suffisant ; mais surtout, il devra s’informer pour s’assurer qu’aucun projet urbain ou rural ne risque de mettre à mal son projet, soit en en dégradant l’image, soit en déviant les flux de clients. L’analyse des comptes ne suffit pas : ils peuvent être excellents mais menacés par un projet municipal, départemental ou régional. La notoriété ne suffit pas toujours, l’accessibilité et l’emplacement sont des paramètres importants.
-
Analysez la structure d’exploitation du restaurant
Celle-ci est-elle viable ? En restauration traditionnelle, 20 places assises sont généralement insuffisantes, sauf en restauration rapide avec en plus des plats à emporter. Pour un restaurant « classique », en-dessous de 25 places assises, on ne génère que difficilement la rentabilité nécessaire pour assurer la viabilité d’une affaire sauf à étendre les jours d’ouverture, les services et à disposer d’un emplacement privilégié. Ce seuil n’est pas une fin en soi mais doit alerter sur la viabilité d’un tel commerce. L’analyse financière en devient donc d’autant plus primordiale.
-
Vérifiez la cohérence des chiffres
Lorsqu’on envisage d’acheter un restaurant ou un bar-restaurant, il s’agit d’analyser les comptes et leur cohérence, comme par exemple le montant du chiffre d’affaires par rapport au nombre de couverts et au ticket moyen. Le chiffre d’affaires réalisé est-il plausible par rapport au nombre de places assises ?
Prenons l’exemple d’un restaurant avec 30 places et un panier moyen de 18 euros. Le potentiel maximum est de 540 euros pour un service soit 1 080 euros pour deux services. Si l’on multiplie par 235 jours en tenant compte de 5 jours d’ouverture sur 47 semaines, cela fait maximum 253 800 € TTC avec une capacité de remplissage au maximum sur deux services.
Même si certains restaurants peuvent compter des re-services au cours d’une soirée (plusieurs services par tables), cette capacité de remplissage n’est bien souvent pas plausible. La plus grande méfiance s’impose donc si le chiffre d’affaires est à son potentiel maximum. Cela peut signifier un risque de blanchiment… ou des « arrangements » pour gonfler le chiffre d’affaires.
Un restaurateur vendeur qui développe une deuxième activité de traiteur sur un marché pourrait faire « glisser » le chiffre d’affaires relatif à son activité de traiteur sur le chiffre d’affaires de son restaurant pour en faire monter la valeur avant de vendre.
Il convient également de vérifier que les marges brutes sont dans la moyenne. Généralement, on considère qu’une marge de 70 % est plutôt dans le haut de la fourchette ; ce chiffre peut monter à 72 % ou 73 % dans certaines catégories (pizzerias ou restaurants de gammes spécifiques).
Au-delà du passé, soyez également vigilant sur les dettes latentes.
-
Evaluez les engagements hors bilan
Ceux-ci peuvent avoir une incidence importante. Si un acheteur reprend un restaurant avec un cuisinier avec une forte ancienneté, en cas de rupture de contrat ou de départ en retraite, l’indemnité de départ à assurer par le futur repreneur sera parfois lourde financièrement et peut-être impossible à assumer.
Un autre point souvent négligé : les congés payés dus (non payés et non pris) jusqu’au jour de la cession sont à la charge du vendeur. Ces derniers doivent être refacturés par l’acquéreur au vendeur et si possible signifiés dès le jour de cession afin d’éviter tout malentendu.
-
Rachetez plutôt le fonds de commerce que des parts sociales
Rachat de fonds de commerce ou rachat de parts sociales : dans les deux cas, l’acquéreur reprend des engagements, mais pas les mêmes. Souvent, le vendeur a intérêt, pour des raisons fiscales, à vendre des parts sociales quand il exerce dans le cadre d’une société d’exploitation. L’acheteur, lui, a plutôt intérêt à racheter le fonds de commerce afin d’éviter les risques de passifs cachés (même s’ils sont garantis). Effectivement, en rachetant les parts sociales, il reprend absolument tout. En revanche, en rachetant le fonds de commerce, il ne reprend pas tous les engagements, mais uniquement ceux qui lui permettent de fonctionner, les « actifs » : les salariés, le droit au bail, l’emplacement, la zone de chalandise, le matériel, tout l’outil d’exploitation. Mais il ne reprend ni les dettes ni les créances de la société, ce qui peut être plus sécurisant ; même si, dans le cas de rachat de parts sociales, la garantie de passif permet de garantir à l’acquéreur qu’un éventuel passif caché serait à la charge ultérieure du vendeur.
-
Retraitez la rémunération du dirigeant
La plupart du temps, la rémunération du dirigeant fait office de variable d’ajustement. Quand les affaires vont bien, le dirigeant se rémunère correctement ; dans le cas contraire, il ajuste ses appointements à la baisse. Il convient de retraiter éventuellement cette rémunération, en la remettant à un niveau moyen inscrit dans la « norme ». Ce retraitement permet d’appréhender avec plus de justesse la rentabilité normée de l’établissement afin d’en vérifier la compatibilité avec les remboursements de la dette d’acquisition.
En résumé, un acheteur aura tout intérêt à se faire accompagner par un expert-comptable pour évaluer plus justement l’affaire. Celui-ci l’aidera à analyser l’entreprise ciblée, à identifier les engagements repris et à être clairvoyant sur sa pérennité.
Une entreprise de restauration est un système complexe dont il faut assimiler, au-delà d’une vision passéiste, la structure, l’environnement et le potentiel, avec un regard lucide et avisé.
Pour compléter, nous avons rédigé un article sur combien vaut une petite entité de restauration ?
Nous suivre :