Par Rémi Gourrin, associé Fimeco Walter France
C’est l’été, le bar de la ville du bord de mer est en pleine activité. Il fait chaud, tous les jours les clients se bousculent, ça marche fort ! Le patron est content, mais il ne voit pas le jour. Il bosse, il bosse, il bosse. Il faut dire que son bar est réputé, et il le mérite. Tout est délicieux !
On manque de bras ? On embauche ! Le plus important, c’est de répondre à la demande. Quelques mois plus tard, c’est l’heure du bilan, au sens propre comme au sens figuré. Le patron espérait un résultat de 20 000 euros ? Malheureusement c’est une perte de – 10 000 € qui sera constatée sur l’exercice.
Comment expliquer cela ? En fait, lors de la période la plus haute, les effectifs sont « montés » jusqu’à 15 personnes. Or, il était certes légitime de renforcer l’équipe, toutefois dans cette mesure, la masse salariale était surdimensionnée par rapport au chiffre d’affaires. Mais dans le feu de l’action, et sans outils de suivi, personne n’a rien vu.
Nul doute que si le chef d’entreprise avait eu un tableau de bord, le problème aurait été détecté suffisamment tôt pour lui assurer un résultat positif en fin d’année.
Piloter son entreprise au jour le jour
Cette histoire malheureusement vraie illustre parfaitement la différence entre chiffre d’affaires et rentabilité, mais surtout met en lumière l’absolue nécessité de mettre en place un tableau de bord pour piloter son restaurant ou son café.
Un restaurant est une entreprise comme une autre, dont le dirigeant doit pouvoir suivre l’activité de manière régulière, au minimum mensuellement, pour juger de la performance de sa structure.

Six indicateurs peuvent être recommandés pour établir un tableau de bord :
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1er indicateur : le chiffre d’affaires par rapport au potentiel de ressources
Un restaurateur peut être tenté de se dire qu’en comparant son chiffre d’affaires ou son panier moyen à l’année précédente, cela suffit. Pas du tout !
Il est beaucoup plus cohérent et utile de comparer son chiffre d’affaires du mois au potentiel de chiffre d’affaires et à son objectif. Cela permet de mesurer le taux d’activité de la structure et d’en mesurer les éventuelles insuffisances.
Ces ressources potentielles sont évaluables à partir du nombre de couverts potentiels de la salle multiplié par les jours hebdomadaires d’ouverture, les semaines d’ouverture et le nombre de services journaliers.
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2e indicateur : le taux de remplissage
Le nombre de couverts et le panier moyen permettent de définir le taux de remplissage. Tout comme le chiffre d’affaires, le taux de remplissage ne doit pas seulement être comparé à l’année précédente, mais aux objectifs et au potentiel (taux de remplissage maximum).
Pour ces deux indicateurs, évidemment, l’intérêt est d’analyser pourquoi les objectifs n’ont éventuellement pas été atteints, d’en tirer les conséquences et d’initier des actions correctives.
Les baisses de fréquentation locales ou les événements subis ne peuvent bien entendu pas faire l’objet d’actions correctives mais leur identification et la mesure de leur incidence restent nécessaires.
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3e indicateur : le taux de marge
Du taux de marge découle la totalité des ressources permettant d’assurer les frais de fonctionnement. C’est la marge brute (différence entre le prix de vente d’un plat et les achats de matières premières qui le composent) qui permet d’assurer la couverture des frais de fonctionnement et le remboursement des emprunts.
Les taux de marge moyens pratiqués dans la profession sont connus, par type de restaurants : pizzerias, traiteur, restaurant haut de gamme… Il est donc facile de se comparer à la typologie de restaurant à laquelle on appartient.
Une variation de marge à la baisse peut être révélateur de perte sur certains plats, soit parce que certains produits sont achetés trop chers, soit parce que la confection du plat est inadaptée.
Attention à vérifier tous ces points, et à ne pas céder au « plaisir » de confectionner des plats trop sophistiqués si le marché ne s’y prête pas. Ne faites pas de la haute couture à prix cassé.
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4e indicateur : le poids de la masse salariale
Généralement, la masse salariale représente entre 30 et 35 % du chiffre d’affaires. Elle est à surveiller par rapport à la pondération du chiffre d’affaires qui doit être faite notamment pour les entreprises saisonnières.
l convient de vérifier qu’en moyenne, sur l’année, ces ratios ne soient pas dépassés.
Ces quatre indicateurs sont les plus significatifs. Deux autres, plus anecdotiques, peuvent également être inclus dans le tableau de bord :
- les frais généraux : l’électricité, le chauffage, les assurances, le téléphone… Il faut juste s’assurer qu’ils sont cohérents par rapport au volume d’activité du restaurant, comme par exemple les crédits-baux, les loyers et les dépenses énergétiques…
- les frais financiers : vérifier qu’ils ne dérivent pas. Ne pas hésiter à renégocier les frais bancaires, sachant que les taux d’endettement sont actuellement tellement faibles qu’une renégociation sur des emprunts récents est rarement intéressante.
S’organiser en période faste
Le tableau de bord d’un restaurant, c’est comme celui d’une voiture ou d’un avion. Sans lui, on ne peut rien piloter, on risque l’excès de vitesse, un accident, ou une perte de points ou de repères.
Attention, car lorsque les années se ressemblent, le restaurateur peut être tenté de baisser la garde. Or la vigilance s’impose, en permanence.
Et surtout, c’est lorsque tout va bien qu’il faut prendre le temps de prendre du recul et de s’organiser. Naviguer à vue n’est plus possible actuellement et ne doit pas obérer les conditions de visibilité, souvent incertaines.
L’expert-comptable est le spécialiste de l’interprétation des chiffres et de la mesure, il vous aidera à concevoir un outil de pilotage adapté à votre activité.
Par ailleurs, n'hésitez pas à lire notre article sur le respect des avantages en nature.